[DONE] C'est ainsi que je vois les choses, avancer, avancer toujours, quoi qu'il advienne. (Kelsier)

Sérieusement, Kelsier, n’importe qui te connaissant un peu serait dans les parages en ce moment, serait en train de s’inquiéter de savoir si tu vas bien, si tu ne te serais pas cogner la tête, ou si tu n’as pas un problème grave et préoccupant dans ta vie, parce que, on ne va pas se mentir plus que ça, tu es différent de d’habitude. Tu n’es pas comme ça avec tes soldats, et heureusement, parce que tu es persuadé que c’est le genre de comportement qui pourrait les mener facilement à la mort. Oui, rien que ça. Mais là, disons que tu es … plus calme. Disons que tu as probablement un peu d’espoir, pour elle, vis-à-vis d’elle, par rapport à elle, quelque chose comme ça. Et puis, oui, même si elle ne dit rien, même si elle ne se plaint pas, si elle ne refuse pas de faire ce que tu lui demandes de faire – évidemment, ça, tu apprécies – et bien, tu es capable de voir, et de te rendre compte que tu l’effraies. Stitch lui fait peur. Le fait d’être sur son dos semble l’angoisser. De ce fait, tu ne relâches pas ton cheval, tu as décidé que tu ferais en sorte qu’il ne lui fasse pas de mal, et tu vas t’y tenir.

Quand vous arrivez tous les deux dans ce pré, tu lui demandes quelque chose de simple, mais qui ne l’est pas forcément, finalement, quand on tient compte du caractère de ton étalon. A n’importe quel moment, il pourrait décider de transformer ça en quelque chose de réellement périlleux alors, tu gardes la longe dans la main, prêt, si nécessaire, à suivre Stitch dans ses mouvements. Prêt aussi à la rattraper, si le pire venait à se produire, puisque, rappelons-le, le but n’est pas non plus de tuer cette jeune femme.

Et elle hésite, forcément, qu’elle hésite, mais ça ne l’empêche pas de se lancer, encore une fois, et si tu fais un pas en arrière, pour leur laisser de la marge, tu ne la quittes pour autant pas des yeux. Elle est tendue. Trop tendue, malheureusement, et tu crains bien vite que le cheval ne s’en rende compte. Il a un démarrage brutal, et tu la vois paniquer sur son dos, tenter de l’arrêter en catastrophe à peine s’est-il mis en route. Tu restes silencieux, tu la laisses faire, conscient qu’il est inutile que tu interviennes maintenant. Et elle reprend. Elle recommence, tout en concentration, et en application, malgré la crainte que lui inspire le cheval, elle lui ordonne une nouvelle fois de se mettre en route et ça, mon vieux, ça ne peut que te plaire.

Malheureusement pour elle, si aujourd’hui, tu sembles bien luné, Stitch, lui, ne suit pas ton modèle. Il se mets certes en route, pour mieux piler à nouveau presque aussitôt, la secouant sur son dos. Il s’ébroue. S’agace. Piétine nerveusement. Du coup, tu finis par revenir à lui, tu tapotes son pelage, et l’instant d’après, ta main vient se poser sur la cuisse de la jeune femme, tandis que tu relèves le nez vers elle. « Vous êtes tendue. » Forcément, qu’elle l’est, tu t’es arrangé pour l’effrayer dés les premiers instants. Mais tu vois, c’est comme ça que tu fonctionnes, et c’est bien là le test que tu voulais mettre en place aujourd’hui. Aujourd’hui, c’est ta propre monture qui inspire sa crainte, demain, ce sera des titans. Ce qui te fais dire que tu as fait le bon choix, c’est que, si elle ne maitrise pas encore parfaitement sa peur, elle n’est pas non plus incapable d’agir face à l’objet de ses craintes. Elle en fera de même face à un titan, tu en es maintenant persuadé.

Tu exerces maintenant une pression, de ta main, sur sa cuisse. « Relâchez-vous un peu. » Maintenant, ta main s’éloigne, pour mieux revenir chercher l’une de ses mains, la plus proche, accrochée aux rênes. « Là aussi, laissez-le faire, il est habitué, ne cherchez pas à le dominer, c’est lui qui vous sauvera la vie, si ça devait s’avérer nécessaire, pas l’inverse. » Et tu recules, tapant un coup sur la croupe de l’étalon pour le faire se lancer au trot.

Tu ne t’en rends peut-être pas compte, Kelsier, mais tu es littéralement en train de mettre toutes les chances de son côté, afin qu’elle réussisse ce qu’elle est en train d’entreprendre. Encore une fois, ça te fait te dire que tu aurais aimé avoir une personne à tes côtés, toi aussi, quand tu as décidé qu’il était temps pour toi de défier tes parents, et de devenir soldat. Peut-être que tu te sens l’âme d’un sauveur, pour une fois, et peut-être aussi que ça finira par te retomber sur le coin de la tronche … mais ça, tu vois, c’est le genre de réflexion qu’aurait Aedan. Il te fera sans doute la remarque, d’ailleurs, quand il sera mis au courant. Mais toi, ouais, non, toi, tu fonces, c’est comme ça, c’est ta nature, ton caractère.

Tu viens à elle, pour la conseiller, la calmer, faire en sorte qu’elle ne fasse pas la même erreur que tous les autres, lorsqu’ils approchent Stitch. C’est un fait, c’est compliqué, maintenant, de croiser un soldat qui ignore à quel point ton cheval est terrible, tous le craignent, et il est bien là, le problème. Toi aussi, il a essayé de t’effrayer, il a échoué, il a plié, parce qu’il a bien vu que tu ne te laisserais pas impressionner. Là, tu vois, tu pousses Sasha à faire la même chose, à s’imposer, oui, mais sans trop insister, tu fais simplement en sorte qu’elle trouve l’équilibre parfait pour parvenir à chevaucher l’étalon sans incident.

Quand tu recules, mon vieux, tu fais l’erreur de lever les yeux vers elle, de capter son regard, alors qu’elle t’annonce vouloir lui faire confiance, et puis, vouloir te faire confiance. Et c’est bizarre, hein, parce que, pratiquement tous les soldats de ton escouade te font confiance, tu le sais, mais aucun d’eux n’est jamais venu te le dire en face. Surtout pas de cette manière là … Il te faut un soupire pour chasser ça. Pour lui laisser la place d’avancer, et tu retrouves un peu de contenance en mettant toi-même le cheval en route.

A ta grande surprise, elle s’accroche, elle tient bon. Stitch n’est pas des plus calmes, c’est vrai, mais il n’est pas dans la violence non plus et étonnement, tu éprouves une certaine forme de plaisir à observer cette belle jeune femme, sur le dos de ton étalon. Ça te plait. Encore une fois, tu n’as pas de raison à ça. Quoi qu’il en soit, elle fait un tour, et tu la laisses continuer, en faire un second, et même un troisième. Stitch n’est plus aussi calme qu’il était il y a encore quelques minutes, maintenant, et tu es capable de le voir de là où tu te trouves alors, tu décides d’agir avant qu’il ne la jette au sol, ou pire, qu’il n’est l’idée de la piétiner dans la foulée.

De deux grandes enjambées, tu marches vers le cheval et tu l’arrêtes, lentement, pour ne pas surprendre la cavalière, ensuite, tu te hisses juste derrière elle, et sans gêne, tu la pousses un peu en avant d’un coup de bassin avant de la caler au mieux contre toi. Tes bras viennent l’entourer, tu prends les rênes, et tu talonnes l’étalon sombre comme à ton habitude pour le lancer. Nul besoin d’ouvrir le portail, l’animal, agile et puissant le passe d’un saut sans difficulté, et tu le diriges finalement avec aisance jusqu’aux écuries. « Je le ramène avant qu’il ne fasse une bêtise. » Tu lui souffles, près de l’oreille. « Je vais m’arranger pour vous obtenir une place, un équipement, et un cheval … au plus vite. » Elle était pressée. Déterminée. Visiblement, elle t’a contaminé, Hodge.

Ce n’est surement pas grand-chose. Un autre aurait surement évaluer cette jeune femme sur bien des critères, lui faisant passer une batterie complète de tests pour savoir si elle est apte au combat, en plus de l’équitation, par exemple. Toi, tu n’es pas formateur, tu n’es pas là pour lui donner une note et pour signer son certificat d’aptitude, tu laisses ça à d’autres surtout parce que tu sais que ça ne fait pas tout. Tu n’es pas vieux, Hodge, et pourtant, en cette gros décennie de service, tu en as vu défiler des soldats. Certains absolument doués dans tous les domaines requis, et qui n’ont pas tenus une seule seconde face à un titan, d’autres qui au contraire ont obtenu des résultats médiocres, une grosse justesse pour réussir à entrer dans l’armée et qui, aujourd’hui, brillent par leur talent pour survivre dehors. Toi, ce qui t’intéresses, c’est de savoir ce qu’elle a dans le ventre, et il t’a suffi de ces quelques longues minutes à l’observer tout faire pour réussir pour savoir, comprendre que tu pouvais sans crainte la faire se tenir dans ton équipe en dehors des remparts.

Tu mets donc fin à la petite séance de toi-même, en un mouvement vif et rapide, tu viens simplement reprendre le contrôle, tu te hisses sur ta monture pour reprendre la place qui est la tienne, en tant que cavalier, et tu repousses Sasha à celle de passagère pour finalement ramener tout ce beau monde à l’écurie. Evidemment, ton comportement semble la surprendre, alors, la voilà qui se retourne pour t’observer, te sourire. « C’est ce que ça veut dire. » Que tu lui annonces, simplement, même si, clairement, elle n’est pas encore soldat. Tu vas devoir jouer des coudes pour réussir à lui offrir cette place qu’elle convoite, et que tu lui as pratiquement promise. Il se pourrait même que tu n’y parviennes pas … mais ça, c’est une possibilité que tu refuses d’envisager.

C’est toi, Kelsier, qui t’occupes de Stitch une fois de retour à l’écurie. Il est nerveux, maintenant, c’est un fait, et même si ça lui a fait du bien, que tu reprennes les rênes, le fait est qu’il est maintenant dangereux de laisser Sasha le gérer. Alors, tu la laisses prendre place un peu plus loin, et tu viens retirer l’équipement du cheval pour le remettre à la place où elle l’avait pris, tout à l’heure. Ensuite, tu t’assures que l’animal disposes d’eau et de foin à volonté, et tu prends le temps de le brosser un peu. « C’est suffisant. » Tu finis par lui annoncer. « J’ai vu ce que je voulais voir, et je sais ce que je voulais savoir. » C’est rapide, tu en as bien conscience. Tout à l’heure encore, elle était dans ton bureau, hésitante à te dire la vraie raison de son infiltration sur la base, maintenant, tu sais que tu vas intriguer pour la faire entrer dans ton escouade, en tant que soldat. « Je n’ai pas besoin de voir votre … niveau. Vous êtes combative, vous avez de l’énergie, et vous avez de la force. » Et bien entendu, tu ne parles pas de force physique, là, mais ça, elle devrait le comprendre par elle-même assez facilement.

Tu finis par remettre ton cheval dans son box, avant de te frotter les mains, et de revenir vers la jeune femme. « Dehors maintenant. » Tu ordonnes en lui désignant la sortie. Et tu attends simplement qu’elle bouge pour lui emboîter le pas, et c’est à pieds, cette fois, juste à côté d’elle, que tu traverses la cour pour de nouveau passer les portes de la base et en sortir. « Il ne va pas être simple de faire inscrire votre nom dans les registres. » Tu finis par avouer, une fois dehors. Tu t’es même arrêté, à quelques pas de la base, pour reposer tes yeux sur elle. « Mais ça, c’est ma part de travail, vous avez fait la vôtre, Sasha Wilde … n’est-ce pas ? »

Tu ne vas pas y passer l’après-midi, c’est terminé, et tu le sais. Alors, oui, tu finis par la guider hors du quartier général afin de t’assurer qu’elle ne traînera pas plus que ça dans les pieds des soldats et puis, oui, une fois devant la base, tu te dis simplement qu’il est temps de vous séparer, du moins, pour le moment. Tu vas avoir de quoi faire, Hodge, dans les jours prochains, tu veux t’assurer de réussir, alors, tu vas mettre toutes les chances de ton côté. D’ailleurs, tu viens encore une fois lui confirmer qu’elle n’a plus qu’à attendre, tu reviendras vers elle, quand tu seras en ordre et après ça, tu pourras commencer à faire en sorte de la garder en vie, parce que, ce sera une obligation, pour toi. On peut dire ce qu’on veut de toi, mon vieux, mais tu sais prendre tes responsabilités, si tu fais entrer Sasha dans l’armée, elle deviendra ta responsabilité.

Tu t’apprêtes à partir, à rentrer chez toi, quand le comportement de la jeune femme change radicalement, tu ne sais pas bien ce que veux dire l’expression qui vient se peindre sur son visage, mais tu fronces les sourcils au moment même où elle semble sursauter. Elle bouge à une rapidité surprenante pour littéralement venir se cacher dans ton dos et à ce moment … ce sont des miliciens qui passent devant vous. Ils ne font que passer, oui. Ils sont probablement en train de faire leur ronde habituelle et bien évidemment, tu comprends immédiatement qu’il y a anguille sous roche. « Expliquez-vous. » Tu ordonnes aussitôt. Parce que forcément, Kelsier, tu ne feras pas entrer dans l’armée quelqu’un qui a quelque chose à se reprocher, tu ne prendras pas ce risque. Cependant, ça te fait comprendre aussi que … tu ne sais rien d’elle. Tu as probablement été bien trop vite en besogne, mon vieux.

Elle a dit qu’elle te ferait confiance, oui … alors, la vérité tombe assez vite, Hodgen. Wilde, ce n’est pas son vrai nom, et rien que l’entendre t’annoncer ça, ça te fait soupirer, parce que concrètement, elle te l’a faite à l’envers dés le début. Maartens. Voilà son nom. « Merde … » Ah, oui, c’est le cas de le dire. Parce qu’en entendant son véritable nom, tu assembles subitement toutes les pièces du puzzle, et surtout, tu comprends qu’il sera encore moins facile pour toi de la faire entrer dans les Forces Armées. Si Stellaa voit ce nom passer, il va poser des questions, alors la solution serait de passer par lui directement, sauf qu’on ne peut pas dire que tu es dans les petits papiers de Léandre. Tu vas devoir ruser plus que tu ne te l’étais imaginé.

Et tu pourrais tout arrêter là, tu aurais une bonne raison de tout annuler, Kelsier, et tu y penses, pendant un instant, avant de finalement te retourner, l’attraper, et la tirer contre toi. Tu la fais reculer contre le mur du quartier général, non loin, tu appuies son dos contre la paroi, et puis, tu viens te coller tout contre elle, enfouissant ton visage dans son cou, et tu restes là, Kelsier, sans bouger, le temps que les miliciens passent … Heureusement pour toi, pour vous, on sait bien quelle est la relation entre les Majors des deux armées alors, en général, chacun se mêle de ses propres affaires. C’est exactement ce qui se passe, si tu entends quelques remarques, la patrouille passe, et puis elle s’éloigne, et tu recules un peu, avant de relever les yeux. « Ne me mentez plus jamais. » Tu glisses, pour finalement la relâcher. « Rentrez chez vous, maintenant, et tenez-vous tranquille. »