Au final, quand tu as pris la fuite, tu n’es même pas passé par l’infirmerie. Tu t’es enfermé dans ton bureau, le temps de descendre deux verres de whisky pour contenir la douleur, et tu as trouvé ton cousin qui finissait un fond de bouteille dans son bureau (pour ne pas changer), afin de le charger de prendre la suite des réunions du jour (on ne confie pas de pouvoir à un autre que son sang, c’est ta règle pour le moment) en prétextant une réunion urgente au Palais. Et puis, avant que tes imbéciles de soldats ne reviennent de leur pause déjeuné, tu as récupéré Kimaira, et tu as traversé la ville à bâton-rompu pour enfouir cette honte loin derrière toi et ruminer en paix ta colère.
Ce que tu as un peu oublié sur le coup, Léandre, c’est qu’à la maison aussi, tu ne serais pas tranquille, pas seul tout du moins. Tu abandonnes Kimaira aux mains du palefrenier, et en avançant vers la maison, tu vois bien que certains ouvrent la bouche pour te demander si tout va bien. La fureur qui coule par tous les pores de ta peau les arrête à chaque fois. Et finalement, quand tu pousses la porte de la maison, ca te revient à l’esprit.
Analynn est chez toi… enfin à moins qu’elle ne se soit encore échappée comme elle l’a fait en début de semaine. Tu l’as su aussi vite en rentrant le soir, et tu as eu le culot de ne rien dire, de faire comme si, pour te lever le lendemain et laisser ta veste pliée sur la table du salon, propre et prête à l’emploi. Lui laissant par la même occasion comprendre que tu savais tout de ses manigances…
«
L’insulte t’échappe quand, en posant ta veste sur la chaise de la cuisine, à droite de l’entrée, ton écharpe s’éffondre au sol. Et qu’on se le dise, Léandre, ce n’est rien. Mieux encore c’est ta faute. Pas cette de la cuisine, ni de celle qui fait le ménage, ni de la chaise, ni… Et bah tu t’en fiches mon vieux. La rage explose en toi avec une telle force qu’elle souffle tout sur son passage. Tu attrapes la chaise en bois entre tes mains avant de l’abattre de toutes tes forces sur la table. D’une pierre deux coups, enfin trois même. Tu casses la chaise. Tu casses la table. Et tu te retrouves des échardes pleins les mains.
«